Un site sacré détruit en Australie : 100 000 euros symboliques
Pour la première fois, un groupe minier devra payer une amende pour avoir détérioré un site sacré aborigène en Australie. Un verdict historique !
Si ce bras de fer entre une société minière et une communauté autochtone est loin d'être le premier, il est sans doute le plus emblématique. En effet, le site des "Deux femmes assises", situé dans le Territoire du Nord, est un haut lieu du patrimoine aborigène, inconnu des profanes, mais vénéré par l'ethnie locale des Kunapas. Aux antipodes de la beauté spectaculaire de l'Uluru, alias l'Ayers Rock, à 1000 kms de là,qui, lui fait l'objet d'un pélerinage touristique permanent, ce site n'est guère plus, en apparence, qu'un monticule coiffé d'arbres malingres et pourtant lieu sacré pour certaines tribus aborigènes du Territoire du Nord. L'histoire de ce tertre se transmet de génération en génération chez les Kunapas : Il y a plus de quarante mille ans, deux des "ancêtres" Kunapas, esprits féminins dans des corps de marsupiaux, s'y seraient affrontés pour de la nourriture. Lors du combat, leur sang aurait éclaboussé le sable, les herbes et les roches alentour, leur donnant cette couleur carmin foncé aujourd'hui associée au manganèse...
En Juillet 2011, la compagnie minière détruisait une partie du tertre après avoir cherché à ouvrir à l'explosif, de nouveaux filons dans le gisement de manganèse tout proche. Attaquée par l'Autorité de protection des sites aborigènes, la société vient d'être condamnée pour "profanation". Si la peine est dérisoire, le verdict est historique. Chaque année, l'extraction minière endommage en toute impunité des dizaines de sites sacrés en Australie, où 80% des exploitations sont en territoire aborigène. Dans ce pays où le boom minier a encore de beaux jours devant lui, il faut espérer que cette décision fera jurisprudence. Car pour les aborigènes, qui placent la terre au coeur de leur culture et de leur spiritualité, la perte va bien au-delà de la destruction d'un patrimoine. Elle est irréparable. Comme si, une fois meurtrie, cette terre, gorgée de minéraux perdait pour toujours sa valeur.
par Mathilde Blottière (extraits), pour Télérama