Dans les écoles primaires de Bondy, la Maîtrise de Radio-France recrute
de jeunes apprentis chanteurs. Pour en faire des musiciens
professionnels.
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De sa main aux ongles peints en bleu, Salmane, 9 ans, frappe un rythme à 3 temps sur ses genoux, en lisant tout haut sa partition posée devant elle: " Trois croches, noire pointée ... " Ce matin, à l'école Olympe-de-Gouges de Bondy (Seine-Saint-Denis), des élèves de CE1 ont formation musicale avec Charlène Froëlich, une jeune enseignante des Conservatoires de la Ville de Paris. Dans la salle, meublée d'un piano et d'un grand tableau où sont dessinées des portées, ils lisent les notes, apprivoisent les pulsations et découvrent pas à pas les arcanes de cet art savant....
La musique est entrée dans la vie de Salmane à la dernière rentrée, à raison de 8 heures par semaine. " Je travaille aussi le piano", explique-t'elle, avant de filer pour les vocalises de son cours de choeur, dans la grande salle où les chaises sont disposées en rond autour du piano à queue.
Bienvenue à "l'école qui chante". Ici, une soixantaine d'élèves du CE1 au CM2, soit le tiers des effectifs, bénéficient d'une formation musicale de haut niveau, dispensée par la Maîtrise de Radio-France, en partenariat avec la Ville et l'Education Nationale. "Chaque année, nous auditionnons tous les enfants des classes de CP des quartiers nord de Bondy, explique Sophie Jeannin, la directrice musicale. "Sur 200 enfants, nous en sélectionnons 15 pour leur aptitude et leur envie de chanter.
Ce projet d'excellence qui date de 2007, est hébergé dans une structure moderne baignée de lumière. Elle est amarrée au pied des grands ensembles , qui commencent à être réhabilités. 35 nationalités se côtoient à Olympe-de-Gouges. La pauvreté reste forte :"90% des enfants ici déjeunent à la cantine pour moins d'un euro par jour, indique le directeur, Yannick Saint-Aubert. Pour payer les 8 euros de la photo, on me demande souvent d'attendre que le salaire tombe à la fin du mois. "
Mais les élèves n'ont rien à verser pour devenir chanteurs, et la Maîtrise met, même à leur disposition, moyennant une caution, un clavier électrique pour leur permettre de travailler à la maison.. A l'école, les emplois du temps jonglent avec les impératifs musicaux. "Les élèves de la Maîtrise quittent à tour de rôle la classe, par petits groupes, pour aller prendre leurs cours, dit Fatima el-Kourdi, la maîtresse de CE1. Je leur donne un contrat quotidien qu'ils doivent respecter". Les apprentis chanteurs gagnent en autonomie, en concentration."On écrit vite la consigne quand la maitresse la donne", explique Rimi, 9 ans. Elle sait qu'elle n'aura pas le temps de la faire répéter. L'entraide est devenue chez eux, une deuxième nature ... Quand aux"non-maîtrisiens", pour ne pas être en reste, ils ont des projets autour des arts visuels et du cinéma.
Radio-France prépare ces jeunes musiciens à devenir des choristes professionnels.Les CM1 et les CM2 se produisent dons régulièrement en concert. Ils touchent même un petit salaire, de 10 à 15 euros, quand l'entrée est payante. L'année dernière, ils ont chanté l'opéra "Mille Orphelins", monté par Laurent Gaudé au théâtre Nanterre-Amandiers. Quand aux plus jeunes, ils vont faire leurs premières armes dans les écoles de Bondy où ils proposent des "concerts pédagogiques".
Brassage culturel et social. Car Radio-France fait répéter ensemble chaque semaine les élèves de Bondy avec ceux du groupe scolaire de Jean de La Fontaine, l'autre site de la pré-maîtrise, au coeur du Paris aisé. Cet après-midi, ils travaillent leur prochain concert. Ds le grand amphithéâtre du Lycée La Fontaine, tapissé de briques, sous la houlette d'une maîtresse de choeur exigeante, usant de tous les registres pour capter leru attention, un peu clown, un peu dragon, ils sont une quarantaine et chantent "La Courte Paille", les mélodies de Francis Poulenc sur des poèmes malicieux de Maurice Carême. Un éblouissement.
de Caroline Brizard, pour Le Nouvel Obs.