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   Editorial

Et bien, c'est simple : l'idée est que nous ne pouvons plus accepter de nous laisser tyranniser par la politique du négativisme tous azimuts qui fait que l'on ne nous parle que de ce qui va mal, alors que partout dans le monde et à tout instant, des milliers de gestes, de paroles, de décisions, d'évènements, d'hommes sont porteurs de positif, d'espoir, de générosité, de progrès, d'humanité. Il est grand temps de se bouger : à nous de les chercher, de les débusquer, d'y prêter attention, et surtout d'en parler autour de nous.

Nous ne sommes pas programmés pour désespérer de tout. Nous sommes aussi capables du meilleur.

Mettons en route la spirale du "mieux sur terre" pour en finir avec la spirale infernale du négativisme et tous ensemble nous en sortirons vainqueurs, plus humains et  plus heureux encore !!!

Isabelle, une terrienne

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19 octobre 2011 3 19 /10 /octobre /2011 09:58


Révolution W.C. au pays des Maharajas 







Andrée-Marie Dussault 




Il a permis à des millions d'Indiens d'aller à la toilette plutôt que de se soulager en plein air ou en pleine rue. Père de la révolution sanitaire indienne, en 36 ans, Bindeshwar Pathak a fait trois pierres d'un coup : il a développé une technologie sanitaire qui ne requiert ni égout ni fosse septique, tout en libérant ceux chargés de ramasser les excréments des autres, et il a créé un réseau de toilettes publiques qui accueille 10 millions d'usagers chaque jour. Gandhi serait fier. 
 
Bindeshwar Puthak



 
 
Imaginez seulement une nation qui produit plus de 900 millions de litres d'urine et 135 000 tonnes de matières fécales par jour. Dans un contexte où la démographie galope, où l'eau se raréfie et où seuls 3% des eaux usées des grandes villes sont traitées - le reste retournant aux fleuves… d'où provient l'eau du robinet. Bienvenue en Inde, pays dont on prédit pour les années à venir une croissance économique exceptionnelle de près de 8% et qui fait fantasmer les PDGs du monde entier. Bienvenue dans un pays où deux tiers des 1.1 milliards d'habitants n'ont toujours pas d'installation sanitaire. 


Bombe à retardement 

Mais un homme, un grand homme, conscient de la bombe à retardement en forme d'épidémies diverses que représente cette cruelle réalité, se mobilise efficacement pour la cause, à l'aide de la Sulabh International Social Service Organization, l'ONG qu'il a fondée en 1970. Docteur en sociologie, à 61 ans, Bindeshwar Pathak est désormais connu dans son pays et dans le monde entier comme le père de la révolution sanitaire indienne. Et d'une révolution, il est bien question. Le Dr. Pathak peut se vanter d'avoir mis sur la table un sujet des plus tabous en Inde et pourtant, tout aussi fondamental que la lancinante question de l'eau : la gestion des excréments humains. 

Vêtu d'une tunique traditionnelle et d'un pantalon fuseau en coton blanc immaculé, les lunettes cerclées d'or, Bindeshwar Pathak nous reçoit dans son ashram à Delhi où école, laboratoire, institut de recherche et musée de la toilette sont réunis sous un même toit. " Souriez s'il vous plaît, vous êtes à Sulabh " peut-on lire en hindi et en anglais sur les murs blancs. Et pourquoi pas ? D'autant que les raisons de le faire ne manquent pas pour le Dr. Pathak ; après tout, grâce à son génie et à sa ténacité, la technologie sanitaire qu'il a mise au point est aujourd'hui promue par les agences des Nations Unies et à son actif, il compte la construction de plus de 1.2 million de latrines privées et de 6000 complexes de toilettes payantes répartis à l'échelle du pays, dans les bidonvilles, les sites touristiques et les lieux de pèlerinage. 

Il raconte ses débuts et comment il a construit l'empire qui emploie actuellement 50 000 personnes. " Toute idée nouvelle est accueillie avec scepticisme " dit-t-il d'emblée en souriant. Son idée nouvelle à lui, c'était de donner accès à la population à des toilettes publiques payantes. S'il y a 36 ans, on riait de son plan d'avant-garde, aujourd'hui, l'homme croule sous les prix et les honneurs. " A l'époque, personne ne pouvait croire qu'un jour, les Indiens accepteraient de payer une roupie pour fréquenter les W.-C., poursuit-il ; je leur répondais que si elles sont propres, ils paieront. " L'histoire lui a donné raison puisqu'ils sont désormais plus de 10 millions tous les jours à verser une roupie (1,7 centime d'euro) pour fréquenter ses toilettes publiques. 


L'or brun 

Des toilettes cependant pas comme les autres : le révolutionnaire a développé une technologie toute simple, bon marché et eco-friendly, connue sous le nom "twin pit technology", qui ne requiert ni égout ni fosse septique, et qui à la fois, permet le recyclage complet de la matière fécale recueillie ainsi que sa réutilisation sous forme de biogaz, utilisable pour cuisiner, éclairer et générer de l'électricité. De quoi agacer les lobbies d'ingénieurs et les vendeurs de toilettes occidentales... Une technologie d'autant plus intéressante qu'elle pourrait permettre l'atteinte de l'objectif du millénaire des Nations Unies de réduire de moitié les 2.6 milliards de " sans toilette " du monde pour 2015. Un objectif irréaliste dans le contexte actuel, selon Bindeshwar Pathak car " les systèmes d'égouts et de fosses septiques prévalant à l'Ouest ne sont pas des solutions adéquates pour les pays en développement ; ils coûtent trop cher et exigent trop d'eau ". En revanche, avec la technologie Sulabh, le défi pourrait être relevé à terme. 


Les "nécrophages" 

Cela dit, son innovation a surtout rendu possible la libération de ceux qui jadis nettoyaient les latrines. A l'origine, le but sous-jacent de l'entreprise du Dr. Pathak était la libération des plus discriminés parmi les discriminés. " En 1968, je faisais partie d'une cellule gandhienne qui s'intéressait au sort des scavengers " se rappelle-t-il. Littéralement, les " nécrophages ", c'est-à-dire les personnes chargées de nettoyer - manuellement ! - les excréments du reste de la population. 

" Ces gens, membres des plus bas échelons des sous-castes des castes inférieures, opéraient - et opèrent toujours, dans certaines régions - le soir, pour éviter de perturber la vue des éléments plus nobles de la société " précise le brahmane d'origine, avant d'expliquer que leur ronde nocturne consiste à nettoyer les récipients de besoins humains des " toilettes à sceau ", et à les porter sur la tête vers un endroit éloigné prévu à cet effet. Le jour, ils vont leur chemin une clochette au cou, histoire de laisser anticiper leur passage et donner le temps aux enfants de se réfugier dans la maison. Même toucher l'ombre de ces parias est considéré salissant... 

Ainsi, Bindeshwar Pathak a poursuivi la mission de Gandhi pour qui la question sanitaire était plus fondamentale encore que l'Indépendance ; c'est dire l'importance qu'il y accordait. En effet, empathique jusqu'au bout, le père de la nation disait que s'il devait se réincarner, il renaîtrait dans une famille de scavengers, rien de moins, pour les soulager de ce travail ingrat. Autrefois interdits d'éducation ou d'entrée au temple, le sort de ces citoyens a évolué grâce au Mahatma et à Bindeshwar Pathak. Aujourd'hui, la technologie Sulabh a libéré 60 000 d'entre eux de leur tâche ancestrale et les a réorientés vers d'autres horizons. Témoignant du changement des mentalités, dès 1989, des puja (rituels religieux hindous) et des repas réunissant descendants de scavengers et brahmanes à la même table étaient organisés sous le patronage bienveillant du Dr Pathak : autant dire du jamais vu !

 

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