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   Editorial

Et bien, c'est simple : l'idée est que nous ne pouvons plus accepter de nous laisser tyranniser par la politique du négativisme tous azimuts qui fait que l'on ne nous parle que de ce qui va mal, alors que partout dans le monde et à tout instant, des milliers de gestes, de paroles, de décisions, d'évènements, d'hommes sont porteurs de positif, d'espoir, de générosité, de progrès, d'humanité. Il est grand temps de se bouger : à nous de les chercher, de les débusquer, d'y prêter attention, et surtout d'en parler autour de nous.

Nous ne sommes pas programmés pour désespérer de tout. Nous sommes aussi capables du meilleur.

Mettons en route la spirale du "mieux sur terre" pour en finir avec la spirale infernale du négativisme et tous ensemble nous en sortirons vainqueurs, plus humains et  plus heureux encore !!!

Isabelle, une terrienne

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26 avril 2021 1 26 /04 /avril /2021 17:58

Les actes et comportements racistes n’épargnent aucun milieu. Le 28 décembre dernier, Chloé Lopes Gomes, danseuse classique au StaatsBallett de Berlin, a confié avoir été victime de racisme. Un témoignage qui n’est pas isolé dans ce milieu où la majorité des danseurs sont encore de couleur blanche.

 

“Je peux vous dire que depuis que j’ai parlé publiquement de mon histoire, mon quotidien est devenu horrible.” Ces quelques mots, Chloé Lopes Gomes, danseuse classique au StaatsBallett de Berlin, nous les a confiés quelques jours après avoir raconté à nos confrères de Brut son difficile quotidien au sein de cette prestigieuse compagnie de danse allemande. Dans cette vidéo, elle relate notamment les propos et actes racistes d’une maîtresse de ballet à son encontre. “En parlant à la presse, j'ai remis en question les positions de chacun. Maintenant, ils m'ignorent. Et l'ignorance est une forme de harcèlement. Ils n'apprendront jamais de leurs erreurs. C'est compliqué pour moi actuellement”, livre la danseuse. “Je viens d'une des plus grandes compagnies au monde, et tout le monde se connaît dans le ballet. En confiant ce que j’ai subi, je diminue mes chances d'avoir un contrat dans les mois à venir, parce qu’on peut me voir comme la fille à problème… Entre la covid et ça, c'est vraiment un risque que je prends.” 

Suite à aux déclarations de cette danseuse professionnelle, le StaatsBallett de Berlin a indiqué mener une enquête afin de faire la lumière sur les comportements discriminatoires au sein de la compagnie. “Toute forme de discrimination et de racisme au sein de notre entreprise est inacceptable”, indique le communiqué de l’institution, qui n'a pas souhaité en dire davantage. 

Loin de la diversité ethnique 

La prise de parole publique de Chloé Lopes Gomes est intervenue après que son contrat n’a pas été renouvelé en octobre dernier, l’institution mettant en avant la crise due à la pandémie mondiale, et jugeant par ailleurs son niveau insuffisant. Pour Chloé, la raison est tout autre et n’est rien d'autre que du racisme. Si elle a eu le courage de témoigner, c’est notamment grâce au mouvement Black Lives Matter, qui lui a “donné la force de prendre la parole”. “Je me suis sentie soutenue et moins seule", expliquait-elle à Brut. 

Par cette prise de parole, la jeune femme de 29 ans souhaite que le ballet devienne davantage le reflet de la société. En effet, les danseuses et danseurs de couleurs sont peu représentés dans les grandes compagnies internationales de ballet. A l’Opéra de Paris, sur une troupe de 154 danseurs, nous avons constaté qu'un nombre infime sont de couleur ; au StaatsBallett de Berlin sur 95 danseurs, ils ne sont que deux et Chloé est l’unique femme. Constat similaire au New York City Ballet où sur la centaine d’artistes, onze sont non-Blancs. De même au Royal Ballet de Londres, où ils ne sont que six sur ce même total. Quant au Bolchoï Ballet de Moscou, aucun danseur de couleur n’a intégré la troupe des 70 danseurs. Des chiffres sans appel, qui interrogent sur les raisons de ce constat.

Alors qu’il était entre 2014 et 2016 directeur de la danse à l’Opéra de Paris, Benjamin Millepied s’était lui aussi interrogé sur ce manque de diversité. "J’ai entendu très clairement en arrivant qu’on ne met pas une personne de couleur dans un corps de ballet parce que c’est une distraction : c’est-à-dire que, s’il y a vingt-cinq filles blanches avec une fille noire, on ne va regarder que la fille noire. Un corps de ballet, tout le monde doit être pareil ; pareil, ça veut dire que tout le monde doit être blanc”, s’était insurgé l'ancien danseur dans le documentaire “Relève” de Canal +. Un avis tranché, qui avait bousculé la prestigieuse institution à l’époque et qui l’avait conduit à démissionner un an après sa prise de fonction. Sollicité, l’Opéra de Paris n’a pas répondu à nos questions. 

Une tradition qui survit aux siècles 

Mais alors comment expliquer ce constat ? La première raison est indéniablement historique. “La danse classique est trop souvent vue comme réservée aux Blancs. Il y a d’abord l’histoire du ballet romantique, qui à partir du XIXe siècle, est marquée par l’uniformité chromatique et morphologique. ‘L’acte blanc’ des ballets romantiques est vu comme 'blanc'. Toute dissonance chromatique est considérée comme un problème”, souligne l’historien Pap Ndiaye, professeur à Sciences Po. Ce spécialiste des minorités planche d'ailleurs depuis septembre sur un rapport* concernant la diversité à l’Opéra de Paris, suite à un manifeste publié l’été dernier par des salariés noirs et métis. Ces derniers dénonçaient précisément un manque de diversité dans leur institution. 

“Cette dissonance chromatique” qu’évoque Pap Ndiaye, Chloé Lopes Gomes en a fait les frais avant même de partir à Berlin. A l'âge de dix-neuf ans, elle décide de rentrer en France pour se rapprocher de ses parents. Elle passe l'une de ses premières auditions pour une compagnie française. “Le directeur a été très honnête avec moi. Il m'a dit : 'On part faire une tournée en Chine, et tu es très bien mais on ne peut pas se permettre d'avoir une danseuse noire dans le corps de ballet'. Ça a été la première fois que j'ai été confrontée au racisme”, lâche-t-elle. 

Forte de sa tradition d’excellence et de rigueur, la danse classique est restée un milieu très codifié. “On a encore aujourd'hui une représentation de la danseuse et du danseur classiques comme correspondant à certains critères, que ce soit en termes de morphologie ou de couleur de peau”, poursuit Nolwenn Anier, chercheuse en psychologie et spécialiste de l'étude des déterminants sociaux et organisationnels de discrimination. “La danse classique a longuement été réservée à une élite bourgeoise. Et quiconque ne correspond pas à ces critères n'est pas perçu, en termes de psychologie, comme faisant partie de ce groupe-là, parce qu'il n'aurait pas les caractéristiques physiques qui font le stéréotype de la danseuse classique.”

Des normes de beauté surannées 

La danse classique reste une discipline sportive et artistique, où une attention très forte est portée sur le modelage et l’esthétique du corps lui-même. “C'est un milieu où on retrouve des normes de beauté et de féminité qui sont toujours très eurocentrées, avec l’image de femmes blanches, très minces, graciles, gracieuses, qui sont celles aussi des classes supérieures, et dont on cherche à gommer les particularités”, analyse Solène Brun, sociologue et chercheuse postdoctorante à l’Institut convergences migrations (ICM). Au regard des différents témoignages de danseurs et danseuses de couleurs, “on remarque qu’on leur rappelle régulièrement que leur couleur de peau vient briser l'harmonie du ballet”, poursuit la chercheuse. 
 
Historiquement, peu de personnes de couleur sont entrées dans le milieu de la danse classique. “Dans les faits, c'est un milieu avec peu de diversité. Les imaginaires se sont construits comme cela. Quand on voit une personne, qui n'a pas la même couleur que les autres dans ce domaine-ci, c'est au départ perçu comme surprenant. Mais ce fut le cas dans tous les domaines, comme lorsque les femmes ont commencé à travailler, à faire des études scientifiques, ou à faire de la politique par exemple”, relève Racky Ka-Sy, psychologue, docteure en psychologie sociale, et consultante pour les entreprises ou organisations qui souhaitent travailler sur la diversité et l’inclusion. 

Des barrières sociales 

Plus qu’une tradition, pour Chloé Lopes Gomes ce problème de non-représentation serait structurel et concernerait l’ensemble des arts classiques. “Les arts classiques, comme l'opéra, le ballet, sont des milieux très élitistes, très fermés, qui sont réservés à une certaine classe de la population. Et structurellement, c'est un fait, les gens issus des minorités ethniques ont moins accès à cette forme d'art, aux arts majeurs”, constate la ballerine, qui met en avant des barrières sociales et financières. “Quand tu es issu d'un quartier populaire, tu n'as pas forcément un conservatoire à côté de chez toi. Et même si tu connais cet art, tu n’as pas forcément la capacité d’aller à l’Opéra de Paris ou voir un ballet près de chez toi, sachant que les places coûtent entre 50 et 150 euros”, ajoute encore la native de Nice. 

L’historien Pap Ndiaye précise également que “les processus de recrutement et de promotion sont tels que les danseurs noirs et métis, surtout les femmes, doivent affronter des obstacles supplémentaires comme des petites remarques désobligeantes, des conceptions d’un autre âge sur les ‘corps noirs’”. Parmi les clichés qui ont la dent dure, on retrouve ceux selon lesquels les danseurs noirs auraient des corps trop athlétiques, des pieds plats, des fesses trop rebondies. “J'ai entendu ces remarques 10 000 fois, peste Chloé Lopes Gomes. Je savais qu'on ne pouvait pas m'attaquer sur ces critères car j'avais des longues jambes, des longs bras, un petit buste, des jolis pieds… Et c’est d’ailleurs peut-être pour ça, que j'ai eu l'opportunité d'étudier au Bolchoï (à la Bolshoi Ballet Academy, ndlr), puis de rentrer à Berlin.”  

“Il ne faut pas être trop noire” 

Autre point que la danseuse classique professionnelle tient à souligner : son métissage, qui là encore, ferait la différence. “Il ne faut pas être trop noire”, tranche-t-elle. “Je suis métisse. Je n'imagine même pas ce que cela doit être pour les femmes noires. C’est impossible pour elles de rentrer dans un corps de ballet. Je pense que quand on est noir, il faut vraiment être au-dessus de la mêlée pour avoir la même chose que les personnes caucasiennes", estime Chloé Lopes Gomes. D’ailleurs, parmi les danseurs et danseuses de couleur faisant partie de l’Opéra de Paris, du Royal Ballet à Londres, du New York City Ballet ou du StaatsBallett de Berlin, tous sont métis.

“En général dans la société française, on a plus de facilité à considérer les personnes métisses comme faisant partie de la communauté française, que les personnes noires africaines. Cette perception est liée à l'histoire de nos pays. On a quand même un passé très particulier avec la communauté noire africaine, qui n'est pas encore totalement assumé dans l’esprit de tout le monde”, explique Nolwenn Anier, chercheuse en psychologie et spécialiste de l'étude des déterminants sociaux et organisationnels de discrimination. 

Un manque de modèle à qui s’identifier 

Le manque de diversité au sein des ballets ne permet pas non plus l’identification des différents publics à ce milieu. “Les enfants non-blancs tentés par la danse classique se disent que ce n’est pas pour eux. En France, il n’y a pas de modèle auquel s’identifier, comme Misty Copeland aux Etats-Unis, qui a été la première danseuse étoile noire américaine en 2015”, souligne l’historien Pap Ndiaye. Pour inverser cette tendance, Chloé Gomes Lopes se dit prête à s’investir pour démocratiser et dépoussiérer la danse classique, “tout en gardant les exigences et les excellences des institutions”, précise-t-elle. “L'art, c'est l'ouverture sur le monde. En accueillant de la diversité, on montre son avant-gardisme", poursuit la danseuse qui se dit prête à organiser des ateliers de classique dans les quartiers populaires, et qui encourage les directeurs d’écoles à organiser des sorties scolaires dans les opéras. 

Rendre le ballet plus accessible pour aussi aller chercher de nouveaux talents. “S'il n'y a pas de gens de couleur dans les écoles de danse, il n'y en aura pas dans les compagnies de danse, c'est tout. C'est le rôle des directeurs d'école d'aller chercher au sein des minorités les futurs talents de demain, et leur donner la possibilité de se former”, conclut-elle.

Le combat sera long mais la machine est d'ores et déjà lancée.  

En février, l'Opéra de Paris a annoncé revoir ses conditions de recrutement pour encourager l'entrée de davantage d'artistes non blancs. Il va également nommer un "référent diversité" comme l'a fait récemment le Metropolitan Opera de New York. 

* Ce rapport est réalisé avec Constance Rivière, secrétaire générale du Défenseur des droits. Ses conclusions, dont l’objectif est de faire des propositions pour qu’il y ait plus d’artistes non-blancs, ainsi que des propositions à propos du répertoire, souvent issu du XIXe siècle, marqué par des stéréotypes offensants à l’égard des non-Européens, seront rendues prochainement.

 

Publié le , modifié le

Auteur·e : Apolline Merle

pour France-Info, Omnisports.
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30 mars 2020 1 30 /03 /mars /2020 10:44

 Quasi-centenaire, le sociologue, éternel optimiste, envisage le confinement comme une occasion inespérée de régénérer la notion même d’humanisme, mais aussi pour chacun d’opérer un tri entre l’important et le frivole.

Confiné, il dit s’être senti «projeté psychiquement dans une communication et une communion permanentes» avec le monde auquel il reste virtuellement connecté. Lui qui a toujours vécu pleinement, dont le siècle d’existence est fait de déplacements perpétuels et d’engagements politiques et intellectuels. Né en 1921, Edgar Morin, sociologue, philosophe, «humanologue», dit-il, écrivain mondialement connu, penseur de la «complexité» à l’œuvre abondante et englobante (la Méthode est son œuvre majeure), a vécu la Résistance, traversé le XXe siècle entre émerveillement et révolte. Il revient sur ces deux folles semaines qui ont vu le monde entier touché par la propagation du coronavirus, puis basculer dans l’enfermement généralisé. Le directeur de recherche émérite au CNRS, nonagénaire quasi centenaire à l’optimisme inébranlable et au regard lumineux, voit dans ce moment d’arrêt planétaire l’opportunité d’une «crise existentielle salutaire».

Comment vivez-vous ce moment inédit et grave ?

Nous subissons un confinement physique mais nous disposons des moyens de communiquer en paroles qui nous mettent en communication avec autrui et avec le monde. Au stade actuel, en réaction à l’enfermement, nous nous sommes ouverts, plus attentifs et solidaires les uns aux autres. Ce sont les solitaires sans téléphone ni télé, et surtout les non-confinés, c’est-à-dire les sans-abri, si souvent oubliés du pouvoir et des médias, qui sont les victimes absolues du confinement. En ce qui me concerne, je me suis senti intensément participer, ne serait-ce que par le confinement même, au destin national et au cataclysme planétaire. Je me suis senti projeté plus que jamais, dans l’aventure incertaine et inconnue de notre espèce. J’ai ressenti plus fortement que jamais la communauté de destin de toute l’humanité.

Comment qualifieriez-vous cette crise dans l’histoire que vous avez traversée ?

Nous sommes actuellement soumis à une triple crise. La crise biologique d’une pandémie qui menace indistinctement nos vies et déborde les capacités hospitalières, surtout là où les politiques néolibérales n’ont cessé de les réduire. La crise économique née des mesures de restriction prises contre la pandémie et qui, ralentissant ou stoppant les activités productives, de travail, de transport, ne peut que s’aggraver si le confinement devient durable. La crise de civilisation : nous passons brusquement d’une civilisation de la mobilité à une obligation d’immobilité. Nous vivions principalement dehors, au travail, au restaurant, au cinéma, aux réunions, aux fêtes. Nous voici contraints à la sédentarité et l’intimité. Nous consommions sous l’emprise du consumérisme, c’est-à-dire l’addiction aux produits de qualité médiocre et vertus illusoires, l’incitation à l’apparemment nouveau, à la recherche du plus plutôt que du mieux. Le confinement pourrait être une opportunité de détoxification mentale et physique, qui nous permettrait de sélectionner l’important et rejeter le frivole, le superflu, l’illusoire. L’important c’est évidemment l’amour, l’amitié, la solidarité, la fraternité, l’épanouissement du Je dans un Nous. Dans ce sens, le confinement pourrait susciter une crise existentielle salutaire où nous réfléchirions sur le sens de nos vies.

Face à la pandémie, c’est l’ensemble de notre système qui est ébranlé : sanitaire, politique, économique, et démocratique. Votre travail intellectuel a justement consisté à penser la complexité et la transdisciplinarité.

Ces crises sont interdépendantes et s’entretiennent les unes les autres. Plus l’une s’aggrave, plus elle aggrave les autres. Si l’une diminue, elle diminuera les autres. Aussi, tant que l’épidémie ne régressera pas, les restrictions seront de plus en plus sensibles et le confinement sera vécu de plus en plus comme un empêchement (de travailler, de faire du sport, d’aller aux réunions et aux spectacles, de soigner ses sciatiques ou ses dents). Plus profondément, cette crise est anthropologique : elle nous révèle la face infirme et vulnérable de la formidable puissance humaine, elle nous révèle que l’unification techno-économique du globe a créé en même temps qu’une interdépendance généralisée, une communauté de destins sans solidarité.

C’est comme si le monde n’entrait plus dans nos grilles d’analyse. Les repères intellectuels aussi sont bousculés.

Cette polycrise devrait susciter une crise de la pensée politique et de la pensée tout court. La phagocytation du politique par l’économique, la phagocytation de l’économique par l’idéologie néolibérale, la phagocytation de l’intelligence réflexive par celle du calcul, tout cela empêche de concevoir les impératifs complexes qui s’imposent : ainsi combiner mondialisation (pour tout ce qui est coopératif) et démondialisation (pour sauver les territoires désertifiés, les autonomies vivrières et sanitaires des nations) ; combiner développement (qui comporte celui, positif, de l’individualisme) et enveloppement (qui est solidarité et communauté) ; combiner croissance et décroissance (en déterminant ce qui doit croître et ce qui doit décroître). La croissance porte en elle la vitalité économique, la décroissance porte en elle le salut écologique et la dépollution généralisée. L’association de ce qui semble contradictoire est ici logiquement nécessaire.

Notre capacité à «vivre ensemble» est mise à rude épreuve. Est-ce l’occasion de refonder un nouvel humanisme, de restaurer les bases d’une vie commune plus solidaire à l’échelle de la planète ?

Nous n’avons pas besoin d’un nouvel humanisme, nous avons besoin d’un humanisme ressourcé et régénéré. L’humanisme a pris deux visages antinomiques en Europe. Le premier est celui de la quasi-divinisation de l’humain, voué à la maîtrise de la nature. L’autre humanisme a été formulé par Montaigne en une phrase : «Je reconnais en tout homme mon compatriote.» Il faut abandonner le premier et régénérer le second.

La définition de l’humain ne peut se limiter à l’idée d’individu. L’humain se définit par trois termes aussi inséparables l’un de l’autre que ceux de la trinité : l’humain c’est à la fois un individu, une partie, un moment de l’espèce humaine, et une partie, un moment d’une société. Il est à la fois individuel, biologique, social. L’humanisme ne saurait désormais ignorer notre lien ombilical à la vie et notre lien ombilical à l’univers. Il ne saurait oublier que la nature est autant en nous que nous sommes dans la nature. Le socle intellectuel de l’humanisme régénéré est la raison sensible et complexe. Non seulement il faut suivre l’axiome «pas de raison sans passion, pas de passion sans raison», mais notre raison doit toujours être sensible à tout ce qui affecte les humains.

Cela supposerait une inversion des valeurs du monde dans lequel nous vivions avant le coronavirus…

L’humanisme régénéré puise consciemment aux sources de l’éthique, présentes dans toute société humaine, qui sont solidarité et responsabilité. La solidarité suscite la responsabilité et la responsabilité suscite la solidarité. Ces sources demeurent présentes, mais en partie taries et asséchées dans notre civilisation sous l’effet de l’individualisme, de la domination du profit, de la bureaucratisation généralisée. L’humanisme régénéré est essentiellement un humanisme planétaire. L’humanisme antérieur ignorait l’interdépendance concrète entre tous les humains devenue communauté de destins, qu’a créée la mondialisation et qu’elle accroît sans cesse. Comme l’humanité est menacée de périls mortels (multiplication des armes nucléaires, déchaînement de fanatismes et multiplications de guerres civiles internationalisées, dégradation accélérée de la biosphère, crises et dérèglements d’une économie dominée par une spéculation financière déchaînée), ce à quoi s’ajoute désormais la pandémie virale qui accroît ces périls, la vie de l’espèce humaine et, inséparablement, celle de la biosphère devient une valeur prioritaire.

Ce changement est fondamental ?

Pour que l’humanité puisse survivre, elle doit se métamorphoser. Jaspers avait dit peu après la Seconde Guerre mondiale : «Si l’humanité veut continuer à vivre, elle doit changer.» L’humanisme, à mon sens, ce n’est pas seulement la conscience de solidarité humaine, c’est aussi le sentiment d’être à l’intérieur d’une aventure inconnue et incroyable. Au sein de cette aventure inconnue chacun fait partie d’un grand être constitué de sept milliards d’humains, comme une cellule fait partie d’un corps parmi des centaines de milliards de cellules. Chacun participe à cet infini, à cet inachèvement, à cette réalité si fortement tissée de rêve, à cet être de douleur, de joie et d’incertitude qui est en nous comme nous sommes en lui. Chacun d’entre nous fait partie de cette aventure inouïe, au sein de l’aventure elle-même stupéfiante de l’univers. Elle porte en elle son ignorance, son inconnu, son mystère, sa folie dans sa raison, son inconscience dans sa conscience, et chacun porte en soi l’ignorance, l’inconnu, le mystère, la folie, la raison de l’aventure plus que jamais incertaine, plus que jamais terrifiante, plus que jamais exaltante.

 

Par Simon Blin — 27 mars 2020 à 20:26

 

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1 décembre 2019 7 01 /12 /décembre /2019 14:48
 

Et si au lieu d'être partagé entre vivre caché et s’exhiber sur les réseaux sociaux, on stimulait les échanges entre habitants d’un même quartier ? Rassembler les compétences et renforcer la vie de village par la création de projets communautaires, voilà l’objectif de l’association des Hyper Voisins. En gros, on transforme des voisins qui se disent bonjour 5 fois par jour en voisins qui se disent bonjour 50 fois par jour.


L’histoire commence en 2017, avec Nassim, un primeur de quartier connu de tous. Les voisins le saluent chaque matin mais ne se connaissent pourtant pas entre eux. Patrick, à l’origine de l’association, décide alors de réunir les voisins intéressés chaque samedi pour mener à bien des projets de quartier. Aujourd’hui, le groupe s’étire sur un périmètre de 53 rues, 70 hectares et 15 000 habitants créant ainsi la République des Hyper voisins. C’est parti pour une aventure bienveillante !

Et quel beau programme ! Cette partie du 14e ne dort jamais. Ça commence par la Garden Coty, le parc Montsouris transformé en Élysée pour ressusciter René et Germaine Coty ; ça continue avec la Table d’Aude, la plus grande table de Paris qui a rassemblé 1000 convives à sa dernière édition, mais ça passe aussi par des transformations d’impasses en salle de cinéma, des fresques murales avec Emmaüs ou encore des apéros bouffe tous les deux mois. On n’oublie pas le carnaval des souris pour enfants qui a traversé tout Paris avec le petit train de Montmartre, ou les petites souris blanches décoratives de l’artiste Kees qu’on retrouve dans tout Paris et qui sont aujourd’hui un emblème des Hypers Voisins. Tous ces événements doivent leur réussite aux ressources et talents de chaque habitant !

Un autre de leurs projets innovants concerne une société interdisciplinaire de soins ambulatoires composée d’une dizaine de médecins généralistes dans le but de créer un dispensaire de santé de quartier et ainsi désengorger les hôpitaux. 

L’objectif est d’instaurer un nouveau modèle pour construire la ville de demain en créant des liens par plusieurs dispositifs.

"L’ami du quartier" pour commencer, qui sera en charge de 4 rues, 500 logements et 1000 habitants dès janvier et ce pendant deux ans. « C’est une expérience à l’intérieur de l’expérimentation. Le but est d’apprendre à lier 1000 personnes entre elles. » s’exprime Patrick. Un exemple de projet ? Soulager les jeunes parents et occuper les retraités en leur proposant d’accompagner à pied les enfants à l’école. C’est ce que les Hyper Voisins ont nommé le "Pedibus". Les retraités seront formés et assurés pour qu’il n’y ait aucun risque. Mais il y a aussi le lancement du quartier zéro déchet depuis le 16 octobre avec la création d’ateliers pour faire ses propres cosmétiques et produits d’entretien, ou même la naissance des nouvelles poubelles de la Ville de Paris et des composteurs au bout de la rue. Le but de ces projets : réinventer l’intelligence collective en créant une véritable solidarité entre voisins. 

Le projet baptisé "Et toi tu ferais quoi à ma place" concerne la transformation de la place des Droits de l’Enfant, un lieu de passage non exploité, en une "place de village". La rue Sarrette, renommée "La rue qui s’arrête", deviendra bientôt un lieu de rencontre piéton aménagé et animé par les habitants devenus maîtres d’ouvrage. Urbanistes, architectes, étudiants, commerçants, tout le monde mettra la main à la patte pour rendre cette place animée. Talus végétaux, estrades en bois accueillant spectacles et concerts, pavés enherbés, mobiliers urbains, espaces couverts pour héberger le marché au fromage du mardi ou les brunchs du dimanche, c’est ce qui attend les habitants du quartier. Ce projet expérimental a une réelle portée pédagogique : une place étrangère vouée à devenir la place de ses habitants qui en prendront soin et en choisiront le planning.



D’autres projets concernant la modélisation d’autres rues en lien avec le passé ont pour but de se remémorer des boutiques et artisans disparus. « L’objectif est de faire prendre conscience aux gens que le temps passe vite et que c’est à eux d’être maîtres de l’avenir. Les inciter à proposer des idées lorsqu’un commerce est vaquant, afin de ne pas laisser s’installer une énième agence immobilière qui risque, une fois de plus, de tuer la vie de quartier », nous explique Patrick. 

En connectant les riverains pour les inciter à partager au quotidien, l’association a facilité et embelli le train-train de beaucoup d’entre eux. Le tout Paris ferait bien de prendre exemple sur ce laboratoire d’innovations sociales pour refaire de la capitale une communauté solidaire !


de Juliette Darmon Martinet, pour lebonbon.fr

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1 septembre 2017 5 01 /09 /septembre /2017 11:38
Comment créer des synergies entre les acteurs socio-économiques, institutionnels et de la recherche pour favoriser la transition écologique au niveau local ? C’est la question complexe à laquelle tente de répondre cet ex-prof d’économie à Grasse.

Geneviève Fontaine aime bien bousculer son petit monde. Lorsqu’elle était jeune professeur d’économie dans un lycée de région parisienne, elle a inscrit ses élèves à un concours afin de leur faire comprendre comment marchait la bourse. Mais elle a changé les règles et décrété que les gagnants seraient ceux qui perdraient le plus. « Si on sait perdre, c’est qu’on comprend le système. » L’inspecteur d’académie n’avait guère apprécié.

Au lycée Alexis-de-Tocqueville de Grasse (Alpes-Maritimes), où elle est nommée en 2001, à 32 ans, elle lance un club « développement durable », « pour montrer que ce n’est pas seulement la protection des petits oiseaux ». Les sujets s’enchaînent, chahutant l’établissement et son territoire : lutte contre le gaspillage alimentaire, mesures des champs électromagnétiques, de la pollution de l’eau, de l’air…

Puis le club de lycéens devient association d’éducation populaire, Evaleco, proposant ateliers pratiques, lectures, débats… L’initiative met surtout en œuvre une méthode de diagnostic et d’action inspirée de l’éducation populaire, qui repose sur l’expression collective et la légitimité de chacun à élaborer une culture commune. « Cet outil a été élaboré collectivement, par les jeunes », insiste Geneviève Fontaine. Il sera appliqué dans plusieurs établissements et collectivités locales.

« J’adore identifier les freins et les blocages, pour mieux les faire sauter, apprécie-t-elle. Ce qui compte aussi n’est pas toujours le but atteint, mais le chemin parcouru pour y parvenir. C’est le sens qui est mis dans l’action qui m’importe », précise-t-elle, heureuse par exemple de voir que ses plans étiquetés « développement durable » ont aussi « apaisé socialement des bahuts ».

Un projet ambitieux, utopique et inclassable

En 2014, changement d’échelle. Elle prend la décision de mûrir un nouveau projet et de se mettre en disponibilité de l’éducation nationale. « De toute façon, les nouveaux programmes d’économie étaient trop libéraux et heurtaient mes valeurs », explique-t-elle. L’année suivante, avec quatre autres personnes, elle lance à Grasse un projet ambitieux, utopique et inclassable : Tetris.

Le nom évoque bien sûr un célèbre jeu d’empilement de briques, mais signifie surtout Transition écologique territoriale par la recherche et l’innovation sociale. Autrement dit, « créer des synergies entre les acteurs socio-économiques, institutionnels et de la recherche » pour favoriser la transition écologique au niveau local. Juridiquement, c’est une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), une structure adaptée aux ambitions non lucratives du projet et qui permet d’y associer des acteurs aussi variés que des associations, des entreprises, des bénévoles ou la communauté d’agglomération du pays de Grasse et ses vingt-trois communes. L’un de ses piliers est bien sûr l’éducation populaire développée par Evaleco, devenue membre de Tetris.

Dans ses locaux, installés dans de grands bâtiments à l’entrée de Grasse, se retrouvent ainsi un chantier d’insertion, Résine, qui transforme les palettes de bois en meubles, dont certains servent sur la terrasse accueillante dans la cour ; un magasin coopératif, La Meute ; des associations de recyclage d’ordinateurs (Tedee), ou de vélos (Choisir), aux entrepôts bien remplis ; ou encore un fablab, petit atelier d’électronique et ses inévitables imprimante 3D, tout comme un espace ouvert d’éducation permanente.

« Nous cherchons à savoir jusqu’où on peut pousser des idées », résume sobrement Geneviève Fontaine. Et les idées ne manquent pas, mélange d’utopies et d’avancées concrètes, nées au grès des rencontres.

« Lutter contre les idées reçues »

Avec des étudiants de l’école centrale de Marseille, l’équipe élabore par exemple une méthode pour désencrer les bâches événementielles en plastique, qui jusqu’ici ne servent que quelques jours mais durent des centaines d’années. Le but : pouvoir les réimprimer.

Une collaboration avec des ingénieurs de la société de conseil Sogeti, filiale de Capgemini, développe une plate-forme de signalement de la présence des frelons asiatiques dans la région pour mieux détruire leur nid. En attendant une application mobile et la détection automatique de ces nuisibles.

Dans la région, des soucis de connections aux réseaux téléphoniques ont fait naître l’idée de valoriser certaines de ces zones blanches pour en faire des lieux touristiques de repos pour électrosensibles, résurgence des cures thermales du XIXe siècle.

« Je dois souvent les calmer un peu, corrige Jean-Paul Henry, maire de Valderoure, représentant des pays de Grasse au conseil d’administration de Tetris. Mon rôle est aussi de lutter contre les idées reçues, car pour mes collègues élus “l’autre économie” qu’ils défendent vaut pour des profiteurs, des fainéants… Mais quand l’un a eu besoin d’eux pour les vélos, il a changé d’avis sur ceux qu’il considérait comme des moins que rien six mois plus tôt ! »

Tetris est en fait un laboratoire au double sens du terme. D’abord une expérience socio-économique pour faire travailler ensemble sur le développement durable des acteurs divers avec l’appui d’informaticiens, de chimistes ou d’ingénieurs bénévoles séduits par la démarche. « Geneviève est une locomotive, d’un optimisme communicatif », estime Claire Nauts, ingénieur à Nice, présidente de Tedee. « Elle a une énergie incroyable et un grand sens du collectif », assure Gilles Orazi, développeur dans une société d’informatique et à temps partiel à Tetris.

 

Partager tout ce savoir avec d’autres

En même temps, la coopérative abrite aussi un centre de recherche qui espère inventer et diffuser ses savoirs à d’autres. Il est dirigé par Geneviève, qui a commencé une thèse financée par une autre institution atypique, l’Institut Godin, spécialisé en innovation sociale. « Geneviève a vite pris le pli académique. Ses premiers textes montraient trop de conviction et assez peu de problématisation. Désormais elle expose en congrès et dans des colloques », salue Nicolas Chochoy le directeur de l’Institut Godin. Du coup, les sociologues ou économistes viennent visiter ce centre, comme un nouveau terrain de jeu.

Un terrain de jeu aux règles qu’on croirait inventées pour se compliquer la vie. C’est l’une des originalités du projet. Car aux concepts déjà pointus d’éducation populaire, d’économie sociale et solidaire ou d’innovation sociale, les fondateurs ont ajouté ceux de « communs » et de « capabilités ».

Le premier terme, popularisé et étudié par Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie en 2009, désigne la gestion de ressources rares par ceux qu’elle fait vivre (une pêcherie, une forêt, etc.) ; le second est issu des travaux d’un autre Nobel (1998), Amartya Sen, qui considère que satisfaire les besoins des personnes n’est pas suffisant et qu’il faut aussi tenir compte de leurs libertés de choix et d’action (les « capabilités »). « Donner un vélo à des jeunes filles qui n’en ont pas les moyens est bien. Mais il faut aussi s’assurer qu’elles savent et peuvent s’en servir », précise Geneviève Fontaine, dont la thèse vise à rapprocher ces deux termes, pour définir des « communs de capabilités ». De quoi bousculer toujours un peu plus la société.

Soixante-quinze emplois et 2,7 millions d’euros

Surtout que les fondateurs ont aussi décidé de passer de la théorie à la pratique. Leurs locaux sont ainsi un commun, aux surfaces attribuées non par structure mais par usage. « Ici rien n’a été acheté, souligne Geneviève Fontaine. Le problème est que ce que nous faisons a de la valeur, mais on ne sait pas l’estimer avec les normes comptables actuelles. »

« Le quantitatif n’est pas ce que nous mettons en avant, mais avec nos quarante-sept sociétaires, nous contribuons pour soixante-quinze emplois et 2,7 millions d’euros à l’économie locale », estime Philippe Chemla, autre cofondateur de Tetris et compagnon de Geneviève Fontaine.

La petite équipe s’est vite trouvée confrontée à des difficultés propres aux communs. Un des membres profitait des avantages de la mutualisation sans y prendre sa part. « Nous étions un peu novices et avons dû inventer les procédures de résolution de ces conflits. Le profiteur a été exclu. Quand il y a de la tension, des règles émergent », philosophe Geneviève Fontaine. Un autre s’est mis à interdire certaines zones aux autres, en violation du principe du commun. Là, Tetris cherche encore l’innovation pour sortir de cet imbroglio.

« La force du collectif c’est qu’on n’est pas déprimé en même temps », s’amuse Geneviève, qui a bien l’intention de continuer d’empiler les briques.


David Larousserie, pour Le Monde.
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5 mars 2017 7 05 /03 /mars /2017 10:49
   
   
Ce sésame, le jeune Camerounais l'a obtenu en se distinguant aux Olympiades des métiers, où pendant trois jours, il a donné forme à une hydrolienne de 40 kg. À la mi-octobre, Williams Kemadjou a reçu la médaille d'or aux Olympiades des métiers de Bretagne, à Saint-Brieuc, catégorie serrurerie-métallerie.
 
    
 
   Une consécration pour ce sans-papiers arrivé en France il y a deux ans. Hier, il a pu régulariser sa situation en préfecture. Et regarde maintenant l'avenir sereinement.  La vie est belle ! ». Williams quitte la préfecture de Quimper le coeur léger. Avec en main un récépissé de demande de carte de séjour. « La personne qui m'a reçu m'a affirmé que d'ici trois mois, je recevrai ma carte de séjour. Valable un an et renouvelable. Je suis heureux ». À ses côtés, ses deux fées protectrices, Éliane et Françoise Briant, ainsi que Samuel Join-Leydier, l'éducateur de Don Bosco qui le suit depuis des mois, ne boudent pas leur plaisir. Et le congratulent. Car ce sésame, il l'a obtenu en se distinguant aux Olympiades des métiers de la Bretagne, où il a décroché la médaille d'or après avoir, pendant trois jours, donné forme à une hydrolienne de 40 kg.
 
   « J'ai pris un train au hasard »
 
Williams revient de loin. De très loin même. Ce jeune homme, natif de Loum, un petit village du Cameroun, a quitté son pays en janvier 2014. « J'avais 17 ans. Là-bas, c'était la misère absolue. Aucun avenir pour les jeunes. J'ai mis onze mois pour arriver en France. Sans passeur. J'ai voyagé en bus, en voiture, en moto-taxi, explique Williams. J'ai travaillé en Algérie pour avoir assez d'argent pour poursuivre mon voyage. J'ai réussi à mettre le pied en Europe en franchissant la frontière de Melilla, l'enclave espagnole au Maroc. J'ai profité d'une vague humaine pour passer ». Il y a un peu plus d'un an, Williams est arrivé à Paris où il ne connaissait personne. « Mon but, c'était de gagner la France. J'y étais enfin ». Mais dans quelles conditions. Après plusieurs nuits passées dans la rue, dans le froid, le jeune Camerounais prend le train gare Montparnasse. « Je ne savais pas du tout où j'allais. J'ai pris le premier train et je suis arrivé à Rennes. Puis à Quimper », confie-t-il aujourd'hui.
 
   Quelques jours plus tard, Williams est pris en charge dans un foyer pour mineurs à Combrit. Puis dans une famille d'accueil à Bourg-Blanc. C'est là, dans le Nord-Finistère, que Williams fait la rencontre de Françoise Briant et de sa famille avec qui il nouera des liens très forts et qui l'héberge à présent.
 
   En juin dernier, épaulé par l'association Mission de lutte contre le décrochage scolaire, celui qui n'avait qu'un niveau CE2 décroche son brevet. À la rentrée, il intègre le lycée Vauban à Brest pour passer son CAP métallerie. Très vite, son professeur d'atelier fait le constat qu'il a de l'or dans les mains. Et lui propose de participer aux Olympiades des métiers. Vers les Olympiades nationales.
 
   « Au Cameroun, je gagnais ma vie en vendant des arachides ou des avocats dans la rue. De temps en temps aussi, je donnais un coup de main à un menuisier. J'ai appris beaucoup de choses avec lui. Et puis, j'adore le travail manuel. Après le CAP, je vise le Bac pro ».
 
   Il y a une dizaine de jours, le téléphone a sonné chez les Briant. À l'autre bout du fil, quelqu'un de la préfecture appelait pour signifier à Williams qu'il pouvait venir régulariser sa situation. Ce qui a été fait hier matin. « La demande de permis de séjour a été faite à deux titres, précisent Françoise et Liliane Briant. Pour la vie professionnelle mais également familiale. Tant les relations qui nous unissent aujourd'hui sont fortes ». Et puis, sans cette régularisation, Williams n'aurait peut-être pas pu concourir à Bordeaux, en mars prochain, aux finales nationales des Olympiades des métiers pour lesquelles il a été sélectionné.
 
   Épreuve qui pourrait lui ouvrir les portes du concours international qui se déroulera à Abou Dabi, aux Émirats Arabes Unis, dans un an.

© Le Télégramme - Plus d’information sur http://www.letelegramme.fr/bretagne/sans-papiers-le-medaille-d-or-regularise-26-11-2016-11306659.php

 

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14 novembre 2016 1 14 /11 /novembre /2016 22:32
Déserté, un petit village de Dordogne reprend vie en misant tout sur le bio !

La transition écologique : une arme redoutable contre l'exode rural. La preuve avec l'exemple spectaculaire de Saint-Pierre-de-Frugie en Dordogne.

 
     En 2008, Saint-Pierre-de-Frugie était encore l’un de ces innombrables villages français victimes de la désertification, de l’exode rural et du vieillissement de sa population. On n’y croisait pas un chat. Pourtant, moins de 10 ans plus tard, les gens s’y pressent par dizaines dans l’espoir d’y trouver une maison à vendre ! Que s’est-il passé entre temps ? Il s’est passé que le nouveau maire a tout misé sur le bio et l’écologie ! Gros plan sur un retour à la vie qui ne doit rien à la magie !
Gilbert Chabaud a été élu maire de Saint-Pierre-de-Frugies en 2008. Seulement voilà, ce petit village de Dordogne n’avait plus rien à voir avec celui de son enfance. Tous les jeunes étaient partis s’installer en ville pour y trouver du travail et le rectorat avait fermé l’école un an plus tôt, provoquant ainsi la fermeture du dernier commerce du village : le bistro qui préparait les repas de la cantine scolaire… En résumé, à Saint-Pierre-de-Frugies, à de rares exceptions près, on n’y trouvait plus que des anciens. En conséquence, le village était appelé à mourir à plus à moins long terme.
Mais Gilbert Chabaud ne pouvait pas se résigner à un tel sort. Élu à la tête de sa commune, cet ancien concessionnaire automobile s’est donc creusé la tête et a décidé de tenter le tout pour le tout en misant sur le bio et l’écologie Dans un premier temps, son conseil municipal a voté la fin de l’usage des pesticides et des traitements phytosanitaires. Résultat : on a rapidement vu revenir les papillons et autres insectes pollinisateurs oeuvrer sur le moindre bosquet.                                                                                                                                                                                                                                                         

Ensuite, la municipalité a décidé la création d’un « jardin partagé ». Une sorte de potager collectif ouvert à tous où chaque habitant est invité à s’initier à la permaculture et à se fournir en fruits et légumes. Résultat : une animation solidaire, écologique et inattendue qui a fini par se faire connaître au delà des frontières de la commune.

Dans un troisième temps, Gilbert Chabaud a voulu profiter du potentiel touristique de sa commune. À ce sujet, voici ce qu’il a confié à l’AFP :

« En améliorant l’environnement, en rachetant les zones humides tout autour de la commune, on s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire pour l’écotourisme »

Aussitôt dit, aussitôt fait : neuf sentiers de randonnée ont été aménagés dans les environs et tout le petit patrimoine du village a été restauré grâce à des matériaux écologiques !

Résultat ? Eh bien les touristes sont venus ! Il a donc été possible de réaliser la quatrième étape du projet : la construction d’un gîte rural et écologique destiné à accueillir les visiteurs !

Mais ça ne pouvait pas s’arrêter en si bon chemin. Les touristes, aussi écolos soient-ils, ont besoin de se rafraîchir et de se nourrir. En 2013, le village a donc rouvert les portes de son bistro dont la gestion a été confiée à un gérant venu de l’extérieur.

Dans la foulée, le village a même eu droit à l’ouverture d’une épicerie bio alimentée par les agriculteurs de la région !

Retour de l’animation, retour des commerces, arrivée de nouveaux habitants… Il ne restait plus qu’à rouvrir l’école. Et, vu que l’éducation nationale y restait opposée, le maire a soutenu une institutrice qui souhaitait ouvrir une école Montessori. Bonne pioche : non seulement ça  a marché mais, en plus, en une année scolaire seulement, les effectifs ont déjà doublé (l’établissement accueillant désormais 20 élèves) !

Que de chemin parcouru en à peine 8 ans ! Et ça n’est pas terminé !

Véronique Friconnet, elle aussi secrétaire de mairie, s’est également confiée à l’AFP :

« C’est un cercle vertueux. Désormais il ne se passe pas un jour sans que des gens appellent pour nous demander s’il y a des maisons à vendre à Saint-Pierre ».

Le succès de cette transition écologique est tel que le maire entend désormais ouvrir un musée d’un genre original : un musée à l’envers qui envisagera l’avenir plutôt que de raconter le passé !

L’avenir, justement, Gilbert Chabaud l’envisage déjà. Son nouvel objectif ? Un village autonome en énergie !

Cette belle histoire souligne une chose : la transition écologique ne doit pas être vue comme une contrainte à trainer comme un boulet mais bien comme une formidable opportunité d’avenir. La trajectoire étonnante de Saint-Pierre-de-Frugies en est la preuve : les gens sont prêts pour l’écologie. Mieux que ça : ils la plébiscitent !

Par Axel Leclercq pour  PositivR

 
 
 
 

Résultat ? Eh bien les touristes sont venus ! Il a donc été possible de réaliser la quatrième étape du projet : la construction d’un gîte rural et écologique destiné à accueillir les visiteurs !

Mais ça ne pouvait pas s’arrêter en si bon chemin. Les touristes, aussi écolos soient-ils, ont besoin de se rafraîchir et de se nourrir. En 2013, le village a donc rouvert les portes de son bistro dont la gestion a été confiée à un gérant venu de l’extérieur.

Dans la foulée, le village a même eu droit à l’ouverture d’une épicerie bio alimentée par les agriculteurs de la région !

Retour de l’animation, retour des commerces, arrivée de nouveaux habitants… Il ne restait plus qu’à rouvrir l’école. Et, vu que l’éducation nationale y restait opposée, le maire a soutenu une institutrice qui souhaitait ouvrir une école Montessori. Bonne pioche : non seulement ça  a marché mais, en plus, en une année scolaire seulement, les effectifs ont déjà doublé (l’établissement accueillant désormais 20 élèves) !

Que de chemin parcouru en à peine 8 ans ! Et ça n’est pas terminé !

Véronique Friconnet, elle aussi secrétaire de mairie, s’est également confiée à l’AFP :

« C’est un cercle vertueux. Désormais il ne se passe pas un jour sans que des gens appellent pour nous demander s’il y a des maisons à vendre à Saint-Pierre ».

Le succès de cette transition écologique est tel que le maire entend désormais ouvrir un musée d’un genre original : un musée à l’envers qui envisagera l’avenir plutôt que de raconter le passé !

L’avenir, justement, Gilbert Chabaud l’envisage déjà. Son nouvel objectif ? Un village autonome en énergie !

Cette belle histoire souligne une chose : la transition écologique ne doit pas être vue comme une contrainte à trainer comme un boulet mais bien comme une formidable opportunité d’avenir. La trajectoire étonnante de Saint-Pierre-de-Frugies en est la preuve : les gens sont prêts pour l’écologie. Mieux que ça : ils la plébiscitent !

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25 septembre 2016 7 25 /09 /septembre /2016 18:04

 

 

 

L'ancien hôpital Saint-Vincent de Paul est le lieu le plus cool de tout Paris. Désaffecté, le complexe hospitalier à été transformé en septembre dernier en un village utopique mixant hébergés d'urgence et porteurs de projets solidaires, artistiques, entreprenariaux et associatifs . Résultat : 3,4 hectares de solidarité, d'art et de sympathie pour mille voisins, qui squattent le site hospitalier en toute légalité et bonne humeur !

En arrivant, un grand panneau jaune arborant fièrement le logo des trois associations coordinatrices AurorePlateau Urbain et Yes We Camp, signale l'arrivée en territoire des Grands Voisins. Alors qu'à droite on aperçoit la « Ressourcerie », une boutique qui donne aux fringues et objets une seconde vie, à gauche il y a une école de sages- femmes. Mais, c'est en passant sous le porche que l'on entre véritablement dans un autre monde, et que l'on découvre l'ampleur du projet des Grands Voisins.

 

La Lingerie_bar restaurant_3_ph Elena Manente

 

Une fois dans le secteur, les lieux temporairement inoccupés sont habités par des personnes démunies, en quête d'un endroit où elles se sentent chez elles, prouvant à la Terre entière qu'en plein cœur de Paris, on peut créer un espace de partage. « Les étiquettes sautent, on est d'abord des voisins, et puis après on voit » nous raconte Elena, de Yes We Camp. Et pendant ce temps-là, l'hôpital est tranquillement investi par ses habitants, et devient unespace multiple, coopératif et participatif. Tout simplement.

Au milieu de l'ancien hôpital, il y a la Lingerie d'antan, stockant les blouses, mais aujourd'hui faisant office de bar du village. Outre un brunch de folie le dimanche midi, on peut chiller toute une après-midi attablé, dans un gros canapé molletonné ou sur la terrasse ensoleillée. C'est non seulement l'épicentre du lieu, flanqué du planning des voisins d'un côté et d'une foule bruyante de l'autre, mais « c'est aussi là que tout s'organise ».

 

ateliercréatif

 

Des activités pédagogiques, culturelles et sportives, aux repas et assemblées générales, au service d'insertion par le travail de la « Conciergerie Solidaire » tout est fait grâce aux Voisins, qui, tour à tour mettent leurs capacités au profit de la communauté. Ouvertes aux résidents, aux promeneurs du dimanche ou bien aux habitués, ces activités favorisent l'échange et ne cessent de renforcer le lien du groupe. Entre le poulailler au sauna russe (en passant par une femme aquaponique) et les potagers partagés, il est hors de question de s'ennuyer. Alors que réfugiés syriens et diplômés d'Assas prennent le café, les Grands Voisins donnent foi en l'humanité et la solidarité.

Tandis que le 16e grince quand un lieu d'hébergement d'urgence se construit, ici, cette fabrique de bien commun est adorée du quartier. « On montre que la mixité est fonctionnelle, et qu'avec des idées, on peut tout changer ! », nous dit-on. Entre résidence d'artistes, colonie de vacances et hébergement d'urgence, cette bulle de paix invente une nouvelle façon de vivre, et donne sacrément envie de la répliquer à l'infini.

Les Grands Voisins 82, avenue Denfert-Rochereau – 14e Tél. : 07 83 76 21 00 Plus d'infos

© cover : le-polyedre.com

Texte : Suliane Tillon

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5 mars 2016 6 05 /03 /mars /2016 18:10
Les femmes kurdes : l’arme ultime contre l’Etat Islamique

kurdes

Quand on pense au conflit qui fait rage en Irak, au milieu d’une zone qu’on a tendance à considérer comme peu regardante envers les droits des femmes, et particulièrement face à l’Etat Islamique qui lutte pour imposer une société aux mœurs radicales, on a du mal à s’imaginer qu’une partie des soldats qui luttent sont du sexe féminin. Pourtant c’est le cas, et ces guerrières kurdes posent énormément de problèmes aux fidèles de l’Etat Islamique.

Une armée vieille de plus de vingt ans

La création d’un corps d’armée féminin kurde date des années 1990. C’est en Turquie, au sein du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) d’Abdullah Öcalan qu’il est apparu pour la première fois en 1995. Pour le leader du mouvement indépendantiste kurde, “la paix des Kurdes passe par les femmes”. Cette initiative a permis au mouvement d’élargir son soutien féminin, passant de quelques intellectuelles au milieu des années 1980, à 2000 femmes issues de tous les milieux sociaux parties rejoindre l’armée du PKK dans les montagnes de l’Est de l’Anatolie. Sur une armée de 6000 âmes, cette participation n’est pas négligeable, et témoigne d’une véritable volonté d’émancipation de la part de ces femmes prêtes à se battre pour leur cause.

kurdesCette spécificité kurde ne s’est pas cantonnée à la fraction turque de l’aire de peuplement kurde, et c’est particulièrement intéressant au vu des événements actuels au nord des territoires syriens et irakiens. En Irak, les femmes combattantes se sont organisées depuis le 18 novembre 1996, mais ne sont pas aussi nombreuses que dans les montagnes turques. Ces soldates, totalement intégrées à l’armée régulière kurde composée de 200 000 peshmergas, se battent aux côtés de leurs frères masculins sans qu’aucune distinction ne soit notable. En Syrie, ce sont les Unités de défense du peuple (YPG) qui encadrent les forces armées kurdes. Le journaliste Hamid Messoud de France 24 est allé suivre les femmes qui y combattent . Elles ne représentent pas moins de 40 % des 40 000 soldats qui se battent contre les forces islamiques à la frontière syro-irakienne.  Le journaliste témoigne de la volonté de ces femmes de ne pas être différenciées de leurs compères masculins: à la guerre comme à la guerre, aucune raison de traiter qui que ce soit avec une régime spécial. Ceci dit, pour beaucoup d’entre elles, le combat contre les forces de l’Etat Islamique est d’autant plus important qu’il représente une lutte pour la condition féminine contre l’oppression et l’aliénation de la femme, incarnée selon elles par des islamistes qui voudraient les “ramener au Moyen-Âge”.

Des djihadistes désemparés

Ces femmes sont donc de vraies peshmergas – terme qui signifie « ceux qui affrontent la mort » – et c’est ce qui les rend redoutables contre les djihadistes de l’armée islamique. Si eux aussi se vantent de ne pas craindre la mort pour imposer leurs idées, c’est tout de même sous une condition : ne pas mourir sous les balles d’une femme. Ces soldats que rien ne semble faire trembler ont tout de même un talon d’Achille. Chacun d’entre eux porte autour du cou une petite clef, censée leur ouvrir les portes du paradis pour rejoindre leurs soixante-dix houris, vierges célestes récompensant les bienheureux, tant désirées au cours de leur vie terrestre. Seulement, si un djihadiste est tué par une femme, il ne pourra pas accéder aux portes du paradis. Une phobie qui croît au sein des troupes du Daech à mesure que le PKK et les autres organisations kurdes mettent leurs troupes féminines à contribution. Selon l’une des peshmergas, luttant à la frontière syrienne, “ces hommes se pensent supérieurs, en droit de réduire les femmes à l’esclavage, mais ils tremblent comme des feuilles mortes à la simple vue d’une silhouette féminine sur le champ de bataille”.

kurdes

Ces femmes, en plus de leur courage et de leur détermination sans faille, sont donc un atout particulièrement précieux pour l’opposition armée à l’Etat Islamique. En défendant leur territoire et leurs familles chaque jour sur les steppes arides du nord de l’Irak, elles promeuvent la conception d’une femme libre et émancipée.

Benjamin Delille

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16 janvier 2016 6 16 /01 /janvier /2016 09:00
Quand la génération Y expérimente l'éco-location ...

Et si votre habitat permettait d’œuvrer pour la transition écologique et la cohésion sociale ? C’est ce qu’expérimentent une quinzaine de jeunes, au sein de deux colocations situées à Gagny et à Bourg-la-Reine.

Le Vieux poirier

Le nom de la colocation le Vieux poirier rend hommage à l’arbre fruitier du jardin, presque centenaire. « Il était là bien avant que la maison soit construite. Ce poirier est un peu comme un sage. Il possède cette force qui nous dépasse », révèle Dorian, 31 ans, à l’origine de colocation installée à Gagny (93).

Ce jardinier passionné voulait expérimenter un mode de vie communautaire et résilient, ainsi que l’agriculture urbaine. Son projet a vu le jour au printemps 2011, dans cette maison de 125 m² habitables et son jardin de 300 m².

Vivre ensemble

Bénédicte, 30 ans, habite au Vieux poirier depuis septembre 2014. Elle a toujours cherché une colocation écologique, constituée de personnes engagées. En trouvant l’annonce sur l’Auberge de la solidarité (réseau social du développement durable et de la solidarité), elle s’est tout de suite dit que cette colocation était faite pour elle. Bénédicte est ravie de vivre au Vieux poirier :

« On mange tous ensemble, on passe des moments autour du feu de cheminée, on joue de la musique et on rencontre souvent du monde. »

Pour souder leur groupe, les colocataires organisent des réunions hebdomadaires, avec ordres du jour. Ces temps d’échanges leur permettent d’ajuster leurs comportements, d’élaborer des projets communs et de faire le point sur divers sujets.

L’épanouissement personnel est aussi stimulé. Le sous-sol de la maison du Vieux poirier leur sert de studio de musique, d’atelier de bricolage et de salle de répétition de théâtre. Ces espaces leur permettent d’exprimer leur créativité et de passer des moments conviviaux.

Permaculture urbaine.

Les quatre colocataires passent aussi du temps à jardiner sur leur parcelle de 300 m². Inspirés par le Jardin des fraternités ouvrières (une forêt comestible de 1 800 m² en Belgique), ils ont fait de ce terrain un potager cultivé en permaculture :

« Nous travaillons à créer de la biodiversité en achetant nos graines chez Kokopelli, en laissant les végétaux sauvages pousser, en arrosant le moins possible, en utilisant la technique du paillage et en faisant du compost », explique Dorian.

Ces pratiques offrent des conditions de vie favorables à de nombreux animaux : libellules, musaraignes, scarabées, mésanges, grillons, etc. Dorian s’en réjouit : « C’est une victoire pour nous ! Il a fallu attendre deux ans pour voir tous ces animaux apparaître sur ce terrain. Nous avons vraiment métamorphosé la terre. » Les colocataires ont même installé deux hôtels à insectes où nichent des abeilles maçonnes, importantes pour la pollinisation. Bientôt, ils devraient faire l’acquisition de canards, afin de lutter naturellement contre l’invasion de limaces et de manger des œufs frais.

Leur jardin comestible, où poussent notamment des poires, une tétragone cornue et de la menthe, permet aux colocataires de satisfaire 25 % de leur alimentation. « Pierre Rabhi a dit : “Cultiver son jardin est un acte politique.” Et je le crois. C’est un véritable engagement pacifique, contribuant à rendre le monde meilleur », lance Dorian.

Une autre partie des aliments consommés par les colocataires provient du jardin partagé Les abbesses de Gagny-Chelles, avec lequel ils collaborent depuis deux ans.

Une alimentation saine.

Les habitants du Vieux poirier prennent un grand plaisir à consommer les produits de leur potager. Daisy, comédienne de 29 ans, installée dans la colocation depuis septembre 2014, avoue particulièrement aimer « préparer des tartes de blettes, du ragoût de légumes, des confitures de tomates vertes et de poires et la fameuse soupe du Vieux poirier aux courges, blettes et pommes de terre ».

Avec les aromates du jardin, les quatre compères réalisent aussi des infusions. Par ailleurs, ils fabriquent eux-mêmes du kombucha et du kéfir, ainsi que du pain et divers jus.

Initiatives libres.

Chaque colocataire peut, selon son envie, porter un projet pour l’éco-colocation. Ainsi, Bénédicte a inscrit la maison sur le site couchsurfing, afin de proposer un hébergement temporaire et gratuit. « Cela nous donne l’occasion d’ouvrir notre communauté », explique-t-elle. Elle a donc permis l’accueil de quinze couchsurfeurs – des Belges, des Suédois, des Tchèques… – pendant la COP21.

Laure, colocataire depuis octobre 2015, a quant à elle mit en place un lombricomposteur. Cette éducatrice de 30 ans a récupéré des vers sur le site plus2vers, cartographiant les donateurs de lombrics. Dans une boîte en polystyrène, les vers – prénommés Gandhi ou Martin Luther King – grouillent dans des déchets composés à 70 % de carton et à 30 % de matières organiques. À côté de cette expérimentation, Laure fabrique elle-même des produits d’entretien et des cosmétiques. C’est l’occasion de transmettre ses astuces aux autres colocataires.

Maison Bleue

L’éco-colocation de La Maison bleue, située à Bourg-la-Reine (92), existe depuis juin 2015. L’appartement de 180 m² habitables répartis sur quatre étages accueille dix colocataires. Ils ont en plus la jouissance d’un garage et d’un jardin d’environ 40 m².

Ce lieu de vie a été imaginé par Édouard, 24 ans, auto-entrepreneur en communication pour des associations, et Charles-Adrien, 31 ans, conseiller en développement durable pour les collectivités territoriales. L’engagement associatif d’Édouard et de Charles-Adrien en faveur de l’environnement – au sein de WARN, Avenir Climatique, Zero Waste France et la COYnotamment – les a poussés vers ce mode de vie. Ils voulaient tout simplement incarner les messages qu’ils diffusaient au sein de leurs réseaux respectifs. Ils ont aussi été inspirés par des survivalistes – personnes se préparant à une autonomie alimentaire, énergétique – et l’ouvrage de Rob Hopkins Manuel de transition : de la dépendance au pétrole à la résilience locale (Éditions Écosociété, 2010).

Zéro déchet.

Au quotidien, les colocataires limitent les emballages plastiques et privilégient l’achat en vrac et en grosses quantités de produits bio. Dans leur cuisine cohabitent plusieurs poubelles : une pour les matières recyclables, une baptisée « de la honte » (pour tous les détritus ayant un fort impact environnemental) et une « du doute » (utilisée par les personnes ignorant la destination d’un déchet).

Dans leur jardin vivent deux poules pondeuses qui sont nourries au compost. « Certes, le jardin est petit, mais on essaie d’exploiter au maximum cet espace. Notre colocation ne fait que commencer. Nous posons les bases de notre mini-expérience d’autonomisation alimentaire », confie Édouard.

Energies.

Pour réduire leurs dépenses énergétiques, ces dix jeunes engagés sont en train de poser des cloisons isolantes faites de laine de roche. Quant au chauffage, il est éteint en ce mois de décembre. Tant pis pour le froid : des épaisseurs de vêtements supplémentaires et la chaleur humaine suffisent ! Par ailleurs, ils vont bientôt souscrire un contrat d’électricité chEnercoop, fournisseur d’énergie renouvelable provenant de producteurs locaux indépendants. Et pourquoi ne pas installer aussi des panneaux solaires ? À ce sujet, Édouard temporise : « Pour l’instant, ce n’est pas dans le budget. Investir dans une maison qu’on loue, c’est compliqué. »

Les colocataires ont d’autres projets en cours. Ils devraient bientôt construire un potager de 10 m2 en aquaponie. Ils aimeraient aussi que leur garage devienne un fab lab, un laboratoire de fabrication.

Réussites.

Les colocataires de la Maison bleue sont heureux de tout ce qu’ils ont accompli en si peu de temps. Pour Solenne, tout est positif : « On essaie de manger local, bio, sans utiliser d’emballages. On a récupéré plein de meubles dans la rue. Et on a beaucoup de discussions intéressantes. » Raquel aime « cette maison écologique et résiliente, ainsi que la qualité humaine des colocataires, où chacun apporte sa petite graine et où le changement arrive à se faire. » Pour Camille, la Maison bleue coïncide avec ses « valeurs de sobriété heureuse ».

Dans ces deux éco-colocations où la transition écologique et la cohésion sociale sont réussies, tous trouvent leur compte. La génération Y habitant au Vieux poirier et à la Maison bleue fait sa part pour donner naissance à un monde prometteur pour la planète et inspirant pour ses habitants.

par thomas Masson, pour KAIZEN.

Sur la photo : les colocs de la Maison Bleue : Raquel, Jay, Marielle, Charles-Adrien, Camille, Nico, Solenne et Clément – Dans ce séjour, tout le mobilier a été récupéré aux encombrants –

Sur la photo : les colocs de la Maison Bleue : Raquel, Jay, Marielle, Charles-Adrien, Camille, Nico, Solenne et Clément – Dans ce séjour, tout le mobilier a été récupéré aux encombrants –

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28 décembre 2015 1 28 /12 /décembre /2015 10:48

Une idée originale et citoyenne de "désarmer" les enfants .

Edouard, 9 ans, faux revolver à la ceinture: «Salah Abdeslam, il est où?», ​lui demande un copain de jeu. Elisabeth, sa maman, surprend la scène. Cette semaine, son fils est allé remettre plusieurs armes factices à une association en échange d’autres jouets.

A l’entrée de «La Fabrique du Neuf», une ressourcerie basée à Ris-Orangis (Essonne), un Père Noël côtoie une grande caisse en plastique. A l’intérieur: la réplique d’un fusil d’assaut, des armes de poing, un couteau...

Edouard y dépose trois autres calibres: un pistolet de pirate à la peinture or écaillée, un revolver à la gâchette hors d’usage et un lance-fléchettes... sans ses munitions. Sa maman souffle: «il a encore beaucoup d’armes à la maison...». Lui promet: «elles ne vont pas me manquer».

Autour du point de collecte, des regards pleins de convoitise, comme magnétisés. «Pose moi ça!», hurle Souad à son fils Rani, 5 ans, hypnotisé par le bruit électronique des rafales de kalachnikov.

Jusqu’à fin décembre, les enfants sont invités à «ramener leurs pistolets factices en échange d’un livre ou d’un autre jeu», explique Pierre Garnier, directeur général de l’association, qui compte trois ressourceries en Essonne (Ris-Orangis, Corbeil-Essonnes et Montgeron).

Une idée née après les attentats du 13 novembre qui ont fait 130 morts à Paris et au Stade de France. «Le message que l’on veut faire passer, c’est de jouer différemment, jouer ensemble», glisse-t-il.

Les armes, promises à la destruction, seront recyclées «pour une oeuvre culturelle, soit une structure, soit un collage», précise M. Garnier, qui espère monter ce projet avec une école.

- Des jouets retirés des catalogues -

«Depuis ce qui s’est passé, mon fils a vu beaucoup d’images de policiers, de militaires. Et il s’amuse à rejouer les scènes avec ses copains, à enquêter sur les attaques», explique Elisabeth. Jusqu’à ce que l’un d’entre eux évoque le nom de l’un des jihadistes impliqués, Salah Abdeslam, toujours activement recherché.

 

«Au début, ça ne m’a pas plu, mais finalement je préfère que ça sorte comme ça ou sur des dessins», se rassure cette trentenaire qui a vu cette opération comme «l’occasion d’enfoncer le clou».

Edouard, qui rêve de devenir réalisateur de films, sait que «les armes, ce n’est pas quelque chose de bien», mais quand il joue, «c’est toujours pour arrêter les méchants», dans «des histoires imaginaires de cambriolages ou d’attaques de gangsters».

L’idée du troc est venue de Fabrice, un bénévole, après la décision de plusieurs grandes enseignes de jouets, comme Toys R Us ou Joué Club, de retirer ces armes factices de leurs rayons après les attentats.

«Je voulais que l’on fasse quelque chose de similaire à notre niveau. Quand je vois certaines répliques d’armes, comme des lance-roquettes, ça me choque. Il y a une vraie banalisation de la violence», déplore cet animateur radio.

Il assume également un message de sensibilisation à l’égard des parents: «grâce à l’opération, peut-être que pour Noël, ils préféreront offrir un DVD, une bande dessinée ou un livre plutôt qu’une arme de guerre».

L’initiative ravit la pédopsychiatre Dominique Tourrès: «les enfants doivent exprimer leurs pulsions agressives à travers des jeux imaginaires qui sont les leurs, comme créer des projectiles avec de la pâte à modeler, un fusil à partir d’un bâton, mais pas avec des répliques pour adulte».

Après avoir promené ses yeux de longues minutes dans les allées du grand entrepôt, Edouard a fait son choix. Il repartira avec un jeu de magie: une autre manière pour lui de «raconter des histoires».

AFP

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