Les terres agricoles de l'est de l'Allemagne, laissées à l'abandon après la réunification, abritent maintenant de nombreux oiseaux.
D'une envergure de presque trois
mètres, le pygargue à queue blanche plane
majestueusement au-dessus des forêts et des champs déserts. La présence de cet impressionnant rapace sur des terres qui ont
autrefois appartenu à une exploitation collective gérée par l'Etat est la preuve la plus visible d'une belle histoire ornitho-logique qui
a commencé en Allemagne de l'Est après la chute du
communisme, il y a plus de vingt ans.
Sur les quelque 18 millions de personnes qui
habitaient l'ex-RDA, près de 2 millions sont partis à l'Ouest dans l'espoir d'y trouver de meilleurs emplois. La nature ayant horreur du vide, les
oiseaux ont pris leur place : selon les résultats d'une étude publiée pour l'atlas officiel allemand des oiseaux nicheurs,
l'ancienne Allemagne communiste attire chaque année
deux fois plus d'oiseaux nicheurs que l'ouest du pays. Et parmi les espèces actuellement très présentes dans l'est de l'Allemagne, certaines ont disparu ou
sont menacées d'extinction dans l'Ouest, comme
les grues, les cigognes noires, les
pouillots verdâtres, les outardes barbues...
A l'Est, le nombre de couples de pygargues à queue blanche est ainsi passé
de 185 en 1990 à 575 aujourd'hui ; et dès 1993, la hausse du taux de
reproduction a
permis à ces oiseaux d'être retirés de la liste des espèces
menacées. Ces régions sont devenues des refuges pour
les oiseaux quand les coopératives de production agricole ont été détruites après la réunification. Un cinquième des terres agricoles s'est alors retrouvé en
jachère. Les champs abandonnés se sont rapidement
transformés en véritables réserves naturelles - des sortes d'oasis où
les fleurs
sauvages, les graminées et les mauvaises herbes poussent en toute
liberté. Les
insectes sont revenus, puis les petits mammifères et, phénomène sans
doute le plus
frappant, les oiseaux.
L'est de l'Allemagne a aussi la chance de posséder des régions sauvages très peu
peuplées, qui étaient déjà des sortes de sanctuaires pour les oiseaux
bien avant la
chute du communisme. Le delta de l'Oder, à la frontière entre la
Pologne et l'Allemagne, est l'un des plus grands. Il s'étend sur plus de 10 000 hectares et attire chaque année plus des deux tiers de la
population mondiale d'oies des moissons lors de leur
migration. Les marécages aux alentours du fleuve sont officiellement
devenus l'une des plus grandes réserves naturelles d'Europe en 1995 et constituent désormais une zone de reproduction pour les
espèces rares.
Quant aux organismes allemands de protection de la nature, ils achètent régulièrement des terres inoccupées qui
appartenaient autrefois à l'Etat pour en faire peu à
peu de nouvelles réserves. Certaines, comme Griever Holz, une zone de 200 hectares de forêts et de prairies du Mecklenburg, abritent les oiseaux les plus
rares
d'Allemagne, comme l'aigle pomarin. Il y a plus de deux siècles, il était présent dans toute l'Allemagne ainsi que
dans d'autres régions de l'Europe occidentale.
Mais, à force d'être systématiquement chassé, il a presque disparu de l'Ouest dès
la fin du XIXe siècle. Aujourd'hui, la plupart se trouvent en Europe
orientale. Ils arrivent au printemps pour se reproduire, après avoir parcouru 10 000 kilomètres
depuis le sud et l'est de l'Afrique, où ils hivernent. L'aigle pomarin a besoin d'un
milieu naturel diversifié et aussi préservé que possible. C'est dans
les zones humides
entourées de forêts et de prairies qu'il trouve sa nourriture :
campagnols, mulots,
grenouilles et petits oiseaux. Ce qui le place au sommet de la chaîne
alimentaire dans
cette région.
Selon Ulf Bâhker, naturaliste de l'association allemande de protection de la
nature, la Nabu, "si les oiseaux réussissent à se reproduire, c'est que nous sommes sur la bonne voie".
Tony Paterson.The Independant on Sunday.Londres