Passerelles & Compétences propose aux professionnels d'effectuer des
missions gratuites et ponctuelles pour des assoces. Et les volontaires affluent ... !
C'est l'histoire d'un tout jeune chasseur de têtes, Patrick Bertrand, appelé au secours par
des amis d'amis: "Catastrophe, notre association n'arrive pas à trouver un directeur général, nous allons mettre la clé sous la porte".
Recruter, c'est son métier. Patrick Bertrand résout très vite la difficulté: il suffisait de mieux définir le poste. Mais la mission lui plaît. Il a
découvert un autre univers . Et puis la satisfaction d'avoir travaillé pour la bonne cause. Par le bouche-à-oreille, d'autres associations, grosses institutions, ou micro-ONG, le sollicitent, lui
et ses copains recruteurs. Eux aussi aiment le job, pris sur leur heures de loisirs, loin de l'ambiance des boîtes du CAC 40. Ils décident de pérenniser leur "offre" auprès du monde solidaire. et
de l'élargir à d'autres métiers. Ainsi est né "Passerelles et Compétences"
Près de dix ans après, cette association est riche d'un fichier de 3.000 personnes dans 10 villes de France.Toutes prêtes à mettre leurs compétences ponctuellement au service d'un organisme solidaire. A faire du "bénévolat de compétence". Ce sont des professionnels à tous les niveaux du monde du travail, actifs dans toutes les spécialités devenues indispensables au bon fonctionnement des ONG : stratégie, communication, relations humaines, informatique, graphisme, finances, comptabilité. Les exemples abondent : A Poitiers, une association de sourds en liaison avec des enfants malentendants au Cameroun, obligée de refaire son site dans l'urgence, a vite trouvé l'informaticien adéquat. A Nantes, un comptable a donné le coup de main que réclamait Cap Vert, une association de tourisme fluvial sur l'Erdre pour les personnes à mobilité réduite. A Rennes, l'association Valentin-Hauy a pu faire sécuriser son informatique.
"Ma grande surprise", explique Charles Maillet, responsable de l'antenne de Bordeaux et par ailleurs
concepteur de centres commerciaux, "c'est de voir la facilité avec laquelle notre fichier se remplit". Patrick Bertrand, qui, lui, a finalement abandonné son job de chasseurs de têtes pour
développer l'association, a été étonné de voir la diversité des volontaires qui se sont manifestés jusqu'au plus haut niveau des entreprises ... D'après lui, le "gisement" de
volontaires en France est énorme. Il suffit de proposer une formule de bénévolat compatible avec une vie professionnelle chargée.
Que cherchent donc ces cadres sup débordés ou ces jeunes professionnels en pleine ascension prêts à
travailler plus sans gagner plus ? "Certains cadres supérieurs ont conscience de vivre dans une bulle et veulent rester en contact avec la réalité" remarque Patrick Bertrand. Et
puis, il y a cette fameuse "éthique" sans cesse invoquée dans les entreprises, mais pas toujours mise en oeuvre. "Quand on n'est pas trop d'accord avec ce qui se fait dans sa
boîte", explique Charles Maillet, "offrir son savoir-faire à des associations, c'est une sorte de compensation éthique". Une manière de rester en paix avec soi-même....
"C'est très gratifiant de faire un travail que l'on aime, mais pour des valeurs autres que celles de l'entreprise" explique Serge Mandel, pilier de Passerelles et Compétences, et responsable d'audit contrôle chez IBM.
De leur côté, les associations sont de plus en plus incitées à se professionnaliser et à assurer un fonctionnement très rigoureux. Pendant des années, elles ont pour cela recruté à tours de bras. "Mais elles ne peuvent embaucher à l'infini. Et puis, la crise financière est passée par là. En 2010, le nombre de nos missions a crû de 50%" , a remarqué Patrick Bertrand.
Jacqueline de Linarès pour Le Nouvel Observateur