Profession : socio-esthéticienne
Il est aussi important pour un malade de pouvoir se regarder dans la glace que de prendre ses médicaments.
Embellir le visage remonte le moral, prendre
soin du corps apaise l'âme. De cette évidence, des femmes - avec quelques rares
hommes - ont tiré une profession : socio-esthéticien(ne). Elles ne sont encore qu'un peu plus d'un millier en France, mais leur métier est
utile, et trop méconnu.
Corinne Prat hydrate la peau des mains d'un patient, abîmées par la chimiothérapie. «Au fond, dans le traitement du cancer, les compétences techniques sont partout les mêmes, explique le cancérologue Olivier Le Floch. Ce qui fait la différence, c'est la façon dont on prend en compte l'impact psychologique du traitement, la dégradation physique. »
En gériatrie, Corinne masse le visage d'une malade d'Alzheimer «pour qu'elle continue à avoir
envie d'exister dans le regard des autres » (1).
En psychiatrie aussi, les socio-esthéticiennes sont les bienvenues. On sait que certains
malades psychiques n'arrivent plus à appréhender leur corps, et pouvoir se regarder
à
nouveau dans une glace après un beau maquillage les aidera.
Manucure dans des salons de coiffure chics à Paris, Laurence Manzano en a eu un
jour par-dessus la tête de la course à la rentabilité, de l'obsession commerciale.
Depuis sa reconversion, elle vogue d'hôpital en maison de l'emploi. Les soins de beauté
ont, selon elle, une autre vertu : libérer la parole.
Celle de ces neuf hommes en réinsertion, par exemple, pieds dans la bassine, qu'elle
initie
aux soins de peau dans un centre d'hébergement du 13e arrondissement de Paris. Ou
autour de l'atelier de maquillage organisé pour des demandeuses d'emploi de Seine-
Saint-Denis. La séance, très décontractée, tourne vite au « groupe de parole »...«
Dans
un espace jeune santé, le cours sur l'acné amène à expliquer aux jeunes filles que
les
consultations en gynéco, c'est important», témoigne-t-elle également.
A la fin des années 1970, Renée Rousière, une
esthéticienne de choc tourangelle, petite
bonne femme à la forte personnalité, était convaincue que les personnes en détresse avaient besoin, plus encore que les autres, de ses services. C'est comme bénévole sur le terrain qu'elle a inventé le métier. D'abord dans un hôpital psychiatrique, à Tours, puis à la maison
d'arrêt de Fleury-Mérogis, où elle a obtenu la création d'un poste. Mais son expérience lui a enseigné qu'on ne pouvait s'improviser socio-esthéticienne. Alors elle a persuadé le CHU de Tours de créer une école en son sein.
Les débouchés ? A l'heure où l'on serre les boulons dans tous les hôpitaux, ce n'est pas toujours facile pour les diplômées de trouver des demandes solvables. Beaucoup
s'en sortent en s'installant en indépendantes et en travaillant pour plusieurs
structures,
comme Laurence Manzano, qui intervient dans neuf établissements. «Les trois quarts
des diplômées s'installent à leur compte et ne font pas ce métier pour faire fortune,
explique
Marie-Aude Torres-Maguedano, la directrice du Codes (Cours d'Esthétique à Option humanitaire et sociale). Pourtant, les besoins sont énormes car tout établissement
s'occupant de personnes malades ou en détresse peut recourir à ces professionnelles. »
JACQUELINE DE LINARES, du Nouvel-Observateur.
(1) Témoignage dans le film « Une fontaine en Italie », de Pascal Fettous, présentation
du métier de socio-esthéticienne par le Codes.